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Pour rien au monde - Michael Kohlhaas

Création - 10 représentations du 2 au 12 octobre 2024 au Théâtre des Martyrs, Bruxelles

Un Ennemi du peuple

Reprise !!! 7 novembre à 20h la Salle Europe, Colmar /// 20 au 23 novembre à 20h au PBA à Charleroi

Détester tout le monde

Reprise ! 5.12.24 à 14h et 20h à la Salle Europe à Colmar

Pour rien au monde - Michael Kohlhaas

Création - 10 représentations du 2 au 12 octobre 2024 au Théâtre des Martyrs, Bruxelles

Un Ennemi du peuple

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Penthésilée

Heinrich von Kleist

© Michel Boermans

« Ce soir par permission spéciale, Penthésilée, pièce canine. Personnages : des héros, des roquets, des femmes. L’héroïne déchire celui qu’elle aime, et le dévore, poils et peau, jusqu’au bout. » C’est ainsi que Kleist (1777-1811) livrait sa Penthésilée au public. Son écriture est un extraordinaire mobile pour le jeu, tout à la fois puissante et fragile, sublime et dérisoire, exigeant la viande des acteurs, un emportement véritable et de soudaines absences insaisissables, somnambuliques et monstrueuses. Nous chercherons à l’embrasser dans toute sa rage et son rire. Kleist souffle en moi comme une vessie de cochon, pour reprendre les mots de Kafka. Je me retrouve avec un plaisir particulier et une drôle d’évidence dans cette matière qui tient de l’acte magistralement manqué, dans la mauvaise foi de cette héroïne morcelée, empêtrée dans les fils de son existence, qui comme souvent chez Kleist devra accepter de tout perdre pour être sauvée. 

Durée 3h

Texte
Heinrich von Kleist

 

Mise en scène
Thibaut Wenger

 

Avec
Cécile Maidon,
Nelly Latour,
Julia Le Faou,
Fanny Cuvelier,
Pedro Cabanas,
Mikael di Marzo,
Louis Sylvestrie,
Nicolas Patouraux,
Marie Bruckmann,
Pauline Gillet Chassanne,
Hugo Favier,
Ipek Esra Kinay,
Lucie Montay,
Aaricia Dubois,
Elisa Peeters,
élèves au Conservatoire de Bruxelles,

 

Scénographie
Boris Dambly,


Construction décor
Laurent Liber,

 

Costumes
Claire Schirck
assistée de Bleuenn Brosolo,

 

Création lumières
Matthieu Ferry,

 

Musiques et création son
Grégoire Letouvet
et Geoffrey Sorgius,

 

Assistanat à la mise en scène
Hugo Favier,

 

Administration
Patrice Bonnafoux


Traduction
Eloi Recoing
et Ruth Orthmann.


Production
Premiers Actes /Coproduction Théâtre Océan Nord, la Coop asbl / Soutiens Cocof – Fonds d’acteurs, Shelterprod/Taxshelter.be / ING / Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge, Centre des Arts scéniques, Spedidam

Entretien avec Laurent Ancion pour le Journal du Théâtre Océan nord

Kleist, avec un humour mordant et une langue virtuose, nous plonge au cœur d’une Guerre de Troie qui illustre sans doute moins le combat des Grecs contre les Troyens que celle que mène le personnage central avec lui-même. «Penthésilée», observe Thibaut Wenger, «ne parvient pas à réunir les différentes parties d’elle-même, déchiquetée entre son désir et la loi, entre ses fantasmes et le réel. Sa trajectoire me touche, parce qu’elle est sans doute universelle, féminine ou masculine. » Alors comptez jusqu’à Troie, une furieuse aventure va commencer, qui prend de larges libertés avec la mythologie «officielle » pour mieux nous autopsier…

L. A. : Face à ton jeune âge - et même si c’est un cliché -, on pourrait s’étonner des auteurs classiques que tu portes à la scène. Alors que d’autres metteurs en scène ou collectifs ne jurent que par l’écriture au plateau ou le théâtre documentaire, d’où te vient ce goût du répertoire ?

Thibaut Wenger : Tout d’abord, parce que je n’écris pas, tout simplement ! Je serais complètement incapable de me donner un sujet et de lui donner forme textuelle. J’écris des dossiers quand j’y suis forcé, mais c’est très douloureux ! (rires ) Ensuite, j’ai l’impression que mon activité de recherche théâtrale se joue là, dans un espace de relation avec un matériau et des œuvres préexistantes qui sont précisément autre chose que moi-même. J’aime me faire déplacer par une pièce, ne pas tout comprendre, chercher à percer un mystère, trouver des endroits de fraternité ou de rejet. C’est dans cet espace de relation avec les textes que j’essaye de travailler, c’est ce qui déclenche mon énergie et mon imaginaire. Pour le moment, je ne suis pas capable de trouver la même envie ailleurs. J’estime en outre qu’il est important de continuer à dialoguer avec ce répertoire, peut-être parce que je me sens toujours en apprentissage. Et je découvre une incroyable forêt d’idées et de questions sur le fonctionnement des humains. Je ne pense pas que tout résonne avec nos temps présents. Mais, même quand c’est daté et que ça ne sonne pas immédiatement à nos oreilles ou aux changements de notre société, c’est important au niveau de la métaphore : cela raconte aussi, dans le décalage, qui nous avons été et qui nous sommes devenus – et peut-être qui nous voulons devenir.

L. A. : Le répertoire du théâtre est immense. Quels sont les éléments d’une œuvre qui déclenchent ton envie de mise en scène ? Quel est ton baromètre, en somme ?

T.W. : C’est assez intuitif bien sûr - et je peux me tromper ! Je dirais qu’à la lecture, peuvent s’enclencher la sensation d’un univers ou bien une rêverie. J’entends le texte « dit » par les acteurs. Je dirige beaucoup à l’oreille, lorsque je travaille avec les comédiens. Le fait que je les entende déjà est donc plutôt un bon signe ! Au niveau visuel, j’imagine des choses, mais c’est souvent irréalisable… Avant l’Insas, j’ai d’abord fait des études d’histoire du cinéma et ces visions viennent sûrement de là. Je revois des bouts de films que j’ai en mémoire. C’est plus un climat, c’est totalement impossible à transposer sur scène, ce n’est d’ailleurs pas le but ! Enfin, le choix des pièces a bien sûr des raisons dramaturgiques plus théoriques et plus profondes. Les œuvres auxquelles je m’intéresse ont des thèmes récurrents : le mensonge, la mauvaise conscience, la manipulation des autres et de soi-même, le fait de se mentir à soi-même – des thèmes qu’on retrouve dans Maison de poupée d’Ibsen, Combat de nègre et de chiens de Koltès, La seconde surprise de l’amour de Marivaux… Au cœur de ces pièces, on suit des personnages dépassés par un désir… qui en sait souvent plus sur eux-mêmes qu’eux-mêmes, qui les révèle et les écartèle– comme nous sans doute.

L.A. : C’est tout à fait le cas avec Penthésilée. La reine des Amazones, qui a hérité de l’arc et du pouvoir de sa mère mourante, va défier la règle ancestrale pour vivre son désir : les Amazones sont censées s’accoupler brièvement avec le guerrier qu’elles ont vaincu au combat, mais Penthésilée s’éprend d’Achille et fera tout pour se l’approprier – jusqu’à le manger… À l’heure de #metoo et des redéfinitions de la militance sur l’égalité femmes-hommes, on pourrait croire qu’elle est un personnage emblématique, mais Kleist, en 1808, signe un texte bien plus protéiforme qu’un manifeste !

T.W. : C’est amusant en effet que Penthésilée soit souvent perçue comme un personnage étendard du féminisme, alors que, d’une part, ça ne se finit vraiment pas bien et que, d’autre part, elle ne représente pas la lutte pour une cause. La base de ma lecture, c’est que c’est un personnage en guerre avec elle-même. Précisément, elle abandonne toute cause, elle ment, elle triche, elle parle à foison pour n’entendre ni son feu intérieur, ni les clameurs du monde extérieur. Penthésilée, ce n’est pas Bérénice, à laquelle Racine impose de choisir entre le peuple et son cœur. C’est plus bizarre, plus inconscient, ignoré : on navigue dans un océan de pulsions et d’élans extrêmement tortueux. Comme souvent chez Kleist, le personnage « finit mal » parce qu’elle n’arrive pas à réunir tout cela et, surtout, le reconnaît trop tard. Kleist invente un système de justice où la vie et la mort n’ont pas la même place que chez les hommes. Chez lui, on peut mourir de deux façons. Soit en connaissance de soi, en « acceptant sa nuit », en n’étant pas ignorant de soi-même. C’est, pour Kleist, la seule façon d’être sauvé, de « vivre une mort bienheureuse »… Ce système de justice estime que si tu te reconnais toi-même, y compris dans tes horreurs, tu seras sauvé. Penthésilée meurt seule. Sa mort est misérable parce qu’elle s’est méconnue. L’orgueil l’a dirigée trop longtemps.

L. A. : On est face à un personnage qui fictionnalise sa vie pour tenir debout… Pourquoi ce thème te touche-t-il ? Qu’est-ce qui te pousse à le partager avec nous ?

T.W. : Je pense que ce qui me touche profondément, c’est la question de parvenir à réunir les différentes parties de nous-mêmes. Comme tout le monde je crois, j’ai dans mon entourage des images de femmes– ou d’hommes – qui ont connu des vies en morceaux, comme prises dans des fils emmêlés, et qui en ressentaient une grande et sourde colère. Même si Penthésilée n’est pas la critique d’un système, Kleist annonce la question de l’individu, qui sera centrale au siècle suivant. Je pense que Penthésilée, c’est lui ! Il pressent que les humains ont longtemps été des maillons dans une continuité : notre individualité était ignorée au profit du groupe. Il compose un personnage qui n’est plus un « maillon de passage », mais qui se vit comme individu. C’est très présent dans la vie de Kleist lui-même : issu d’une famille militaire, il veut s’y inscrire, mais n’est pas taillé pour la guerre, même s’il a combattu très jeune. Il ne reste pas en place, il fuit, il disparaît, on le croit mort, il revient… Il rêve du continuum, mais il connaît la brisure. Il y a un trou en lui-même. Il n’arrive plus à être ce maillon, comme Penthésilée. Elle ne s’élève pas contre une structure sociale ancienne, mais elle n’arrive plus à la porter.

L. A. : La pièce, que tu montes avec quinze acteurs, mélange l’humour et le rêve, la tragédie et la comédie. C’est une gageure tant formelle que thématique !

T.W. : J’ai eu la chance de commencer par travailler le texte lors d’un Atelier pour acteurs professionnels mené à Océan Nord en 2017. Franchement, je me suis amusé comme rarement, parce que ce texte est quand même plein de drôlerie et d’absurdité. Pour le jouer, il faut convoquer la dynamique de l’enfance – car l’enfant joue très sérieusement. On a fait un atelier bricolage « armes » avec des résultats irrésistibles, des cuirasses en coquille de noix… Et puis surtout, je ne savais pas que j’allais mettre en scène le spectacle à l’époque. Il n’y avait donc pas de tension liée à une date de première. On était libre. On a traversé toute la pièce en trois semaines, on a brassé énormément de matière, on a fini shooté par les mots ! Mais, comme mes idées viennent au plateau, avec les acteurs, plutôt qu’en chambre, c’est là que les lignes de force de ce « péplum » improbable se sont dessinées. C’est là que le couple Penthésilée et Prothoé (son amie, avec laquelle se noue un lien d’amour) s’est dessiné, avec Cécile Maidon et Julia Le Faou : deux comédiennes qui ont elles-mêmes quelque chose d’enfantin. Elles ont donné le ton de la distribution, d’une certaine façon. On peut voir la pièce comme une formidable « machine à jouer » : Penthésilée convoque les mots et se laisse submerger par son propre verbe pour tenter de recréer la réalité qui lui convient… En quelque sorte, la pièce est « une comédie qui ne tolère par la farce ». L’aspect péplum donne envie de se moquer un peu, il ne faut pas que ce soit trop sérieux. En même temps, si tu surplombes les choses, tu peux passer à côté de mobiles très fins, qu’il s’agit de ne pas brusquer, parce que la pièce touche des pulsions très profondes en nous-mêmes. C’est cet équilibre délicat que je rêve de trouver !