News

Détester tout le monde à la MJC Calonne et au Théâtre de Haguenau

29 mars à 14h et 20h30 à la MJC Calonne, Sedan et 9 avril à 14h et 20h30 au Théâtre de Hauguenau

Détester tout le monde au Théâtre National Wallonie-Bruxelles

6 février à 20h30 ; 7 février à 19h30 ; 8 et 9 février à 14h et 20h30

Détester tout le monde à la MJC Calonne et au Théâtre de Haguenau

29 mars à 14h et 20h30 à la MJC Calonne, Sedan et 9 avril à 14h et 20h30 au Théâtre de Hauguenau

Détester tout le monde au Théâtre National Wallonie-Bruxelles

6 février à 20h30 ; 7 février à 19h30 ; 8 et 9 février à 14h et 20h30

Détester tout le monde à la MJC Calonne et au Théâtre de Haguenau

29 mars à 14h et 20h30 à la MJC Calonne, Sedan et 9 avril à 14h et 20h30 au Théâtre de Hauguenau

Détester tout le monde au Théâtre National Wallonie-Bruxelles

6 février à 20h30 ; 7 février à 19h30 ; 8 et 9 février à 14h et 20h30

Détester tout le monde à la MJC Calonne et au Théâtre de Haguenau

29 mars à 14h et 20h30 à la MJC Calonne, Sedan et 9 avril à 14h et 20h30 au Théâtre de Hauguenau

Détester tout le monde au Théâtre National Wallonie-Bruxelles

6 février à 20h30 ; 7 février à 19h30 ; 8 et 9 février à 14h et 20h30

Woyzeck (infidèle)

d’après Georg Büchner

traduction Adeline Rosenstein

© Jef Bonifacio

Le garçon soldat Franz Woyzeck rase son capitaine et ne mange que des pois, à des fins scientifiques, tandis qu’au Cheval Blanc, Marie la mère du petit danse avec le tambour-major. Par une nuit de pleine lune, rongé par la jalousie, Woyzeck entraîne Marie à la lisière de la ville. Trois ébauches, inachevées et fragmentaires. La première, cadrée sur le drame amoureux, court jusqu’au meurtre. La langue gauche, heurtée, un da-sein qui troue le théâtre. Les deux suivantes, en suspens, prennent la mesure du mécanisme social de la pulsion intime. Mais aucun tribunal n’aura le temps de se pencher sur la question de la responsabilité du sujet-objet, quand l’avenir ne signifie rien. Woyzeck, aimant puissant où s’origine le théâtre où nous nous inscrivons, porte dans ses étonnantes dissonances, dans sa matière même, minée, la métaphore d’autres désarrois, d’autres colères meurtrières d’anti-héros contemporains

Avec
Fabien Magry,
Berdine Nusselder,
Olindo Bolzan ou Fred Solunto,
Marcel Delval,
Pierre Diependaële ou Freddy Sicx,
Mathieu Besnard,
Laetitia Yalon,
Nathanaëlle Vandersmissen

 

Mise en scène
Thibaut Wenger

 

Dramaturgie & Traduction
Adeline Rosenstein

 

Scénographie & Costumes
Claire Schirck

 

Assistante mise en scène
Joséphine de Weck

 

Lumières
Florent Jacob

 

Musique
Grégoire Letouvet
Geoffrey Sorgius

 

Production
Premiers actes, en coproduction avec le Théâtre Océan nord, Bruxelles et La Filature-scène nationale, Mulhouse.

 

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles ⁄ Service du théâtre; de la Région Alsace, de la COCOF, de la SPEDIDAM et de l’ADAMI.

Suzane VANINA, Ruedutheatre.com. Le 20.06.2012.

Les chardons du Baragouzeck

Le jeune metteur en scène Thibaut Wegner n’a pas ménagé ses comédiens, ni surtout son public. Pourtant ce n’est que la simple histoire d’un simple soldat, Franz Woyzeck, exploité par son capitaine, réduit à se prêter à des expériences médicales douteuses afin de gagner quelques sous insuffisants pour procurer une vie confortable à celle qu’il aime, Marie, et à leur enfant. Un homme qui aimant trop “à la vie à la mort”, finit par tuer Marie l’infidèle.

D’autres détails ayant échappé, on supputera seulement que le fait qu’il travaille comme un forcené, que sa santé est malmenée, ont pu endommager sa raison… Car malgré une attention (très) soutenue pour capter çà et là, en plein vol, un mot connu (ou plus ou moins proche d’un mot connu), beaucoup se sont noyés dans le flot sonore bizarre du “baragouzeck”.

Peut-être eut-il fallu que certains personnages s’expriment “normalement”, en toute logique pour des êtres éduqués comme le médecin ou le capitaine ? Et peut-être qu’il n’en fallait pas tant, de ces mots inventés, pour faire ressentir sinon tous les enjeux, du moins les sentiments qui s’expriment de façon très parlante par le jeu expressif des comédiens ?

De cette histoire laissée “fragmentaire” par son auteur, l’Allemand Büchner, et sur base de plusieurs ébauches, Thibaut Wegner a voulu rendre avant tout l’impression d’une oeuvre ouverte et en devenir (voire d’un brouillon ou de ce qui ressemblerait à une étape de travail). Comme des éclats de verre à ramasser, il nous faudra reconstituer l’objet branlant initial.

Nous n’y serons donc pas aidés par le texte, en langue imaginaire, sans le surtitrage habituel. Ombre et pénombre pour des scènes se déroulant souvent en fond de plateau, au travers de parois grillagées, rendront bien ardue la tâche de reconstruction des étapes du drame, alors que les expressions des visages auraient pu… éclairer le spectateur. De plus, le concept d’éclatement fait commencer le spectacle par la fin (dramatique et non certaine), l’ensemble se déroulant dans un labyrinthe concentrationnaire de grilles et de métal.

“Tant pis si moi tout compris avoir pas…”! On devinera assez rapidement qu’il faut laisser là tout pragmatisme, tout réalisme et se laisser imprégner d’ambiances sauvages et primitives, d’images fortes, d’un puissant climat d’étrangeté.

La scénographie, le très beau travail sur les sons et lumières étroitement associés, sont parfaitement au point et épousent l’ambiance générale. Il faut savoir que les options prises par le metteur en scène résultent non seulement d’un travail avec d’excellents comédiens professionnels mais d’expériences au sein d’ateliers ouverts aux habitants (souvent”primo-arrivants”) du quartier populaire et métissé où se situe le théâtre Océan Nord.

De là est venue l’idée d’une langue tour de Babel, une langue qui serait donc “populaire” et telle qu’elle aurait été souhaitée par Büchner. Adeline Rosentein, co-animatrice des ateliers avec Wegner, l’a introduite dans sa traduction. Ainsi la dramaturgie, comme la scénographie, rendent bien le côté décousu, “prise d’intantanés” qu’aurait voulu l’auteur d’après ce que l’on sait.

Voilà un texte qui (par un curieux hasard ?) marie la langue oulipienne d’Antoine Lemoine (“Les chardons du baragouin”, 1961) à une évocation du sort de/s pauvre/s exploité/s, ceux du Roumain Panait Istrati (“Les chardons du Baragan” en 1928) et cela dans un vision originale certes, de Woyzeck ! Son malheureux troufion ne ressemble-t-il pas à tous les “forçats de la terre”, au “cojan” roumain (dans une langue qui n’est, elle, que “émaillée… d’expressions populaires”) ? Paradoxe : ce spectacle s’adresse à un public averti.

S’échapper d’un train en flammes, aller mettre le feu, Adeline Rosenstein, dramaturge

1. Un matin d’octobre 2005 à la frontière entre la province et la capitale fédérale de Buenos Aires, des passagers d’un train en panne ont saccagé une gare et ses environs. Ils avaient attendu depuis plus d’une heure qu’il redémarre, agglutinés dans une chaleur suffocante. Ce train régulièrement défectueux et bondé les mène tous les jours de la banlieue de Buenos Aires vers le centre ville, sur leur lieu de travail.

Ce matin-là, un feu s’était déclaré à l’arrière de l’un des wagons. Finalement des personnes sont descendues sur la voie ferrée. Aussitôt, des agents de police mobilisés le long de la gare prochaine, leur crièrent par mégaphone qu’il était interdit de descendre du train, les menacèrent, puis ouvrirent le feu. A la première détonation une émeute éclata. Le train déversa des passagers enragés, les policiers furent vite débordés, la gare et les petits commerces environnants, incendiés ou mis en miettes.

Au même moment sur le satellite nous parvenaient avec le décalage horaire, les images de la première nuit d’émeute de Clichy-sous-Bois déclenchée par la mort de Bouna Traoré (15 ans) et Zyed Benna (17 ans) qui s’étaient réfugiés dans un transformateur pour échapper à la police.

Le facteur racial travaillait l’opinion dans les deux pays. Sur les télévisions argentines, le père de famille en sueur qui hurlait dans le micro de la journaliste : ils nous tirent dessus mais le putain de train brûlait ! Je sais bien que c’est interdit de marcher sur les voies – est de petite taille, cheveux noirs, la peau mate, quelques tatouages sur ses gros bras agités. S’il n’est pas d’origine bolivienne, il est en tout cas ce qu’on appelle un Negro, un de ces êtres humains dont partout dans le monde on redoute la colère parce qu’on sait que depuis des années ils sont priés d’attendre patiemment dans des trains

pourris qui vont finir par prendre feu.

Depuis longtemps le théâtre savait montrer la collision entre le délinquant et les forces de l’ordre, entre le prince furieux et son entourage stupéfait, meurtri. Et soudain, annonçant les presque deux prochains siècles de littérature, Georg Büchner, 23 ans, chercheur en anatomie comparée et en philosophie, auteur et révolutionnaire allemand d’avant le printemps des peuples, décide de représenter le train en flammes duquel s’échappe un homme qui a tout l’air d’un délinquant, n’en est pas un mais va commettre un meurtre, Woyzeck.

Ils étaient des centaines à assister à la mise à mort du perruquier sans emploi Johann Christian Woyzeck, le 27 août 1824 à Leipzig, condamné pour le meurtre de sa maîtresse infidèle. Pas d’école ce jour-là, on allait au spectacle de la décapitation par l’épée. Il paraît que le bourreau lui avait si bien tranché la tête qu’elle resta posée sur le plat de la lame. Et qu’il la fit tomber d’un mouvement du poignet. Ces détails ainsi que les expertises médicales sur le degré d’imputabilité du coiffeur chômeur Woyzeck, son degré d’ignorance et de folie avaient donné lieu à de nombreuses publications.

Büchner décide de condamner les spectateurs de son exécution, braves gens à la conscience tranquille qui se demandent, avec les experts, si Woyzeck est plus ou moins fou. Büchner n’épargnerait personne, toute la société allait y passer. L’auteur en exil à Zürich meurt du Typhus avant d’achever ce projet. Pièce inachevée, le fragment Woyzeck se présente comme une succession de scènes à coulisses: on peut « cadrer » sur la personnalité de Woyzeck, comme sur les tendances psychiques de tous les autres personnages qui s’amusent à l’humilier : cadrage au format « portrait », vertical. Mais chaque scène nous invite aussi à élargir le champs et reculer d’un pas, à ôter des panneaux latéraux pour obtenir un cadrage « horizontal » au format « paysage » où la dynamique sociale du monde de Woyzeck (avec ses castes bien distinctes, ses langages bien distincts et ses repoussoirs de distinction) – apparaît pour prendre la place du personnage principal.

La main qui ramasse une pierre, le gars qui va « faire une connerie » passent au second plan. Dès lors et avant tout, il y a le fait que le train en flammes dont s’échappe l’innocent, et les armes pointées vers le délinquant se fondent en un même récit. C’est une grande claque à l’idéalisme allemand – qui avec Schiller faisait de la représentation théâtrale un cours préparatoire à la révolution et dont les spectateurs sortaient en criant « Vive la liberté !».

L’individu dont l’existence dépend de facteurs complètement extérieurs à lui-même peut-il par la force de sa volonté, par la révolte ou la décision planifiée, intervenir sur le cours de l’histoire ? Sur le cours de sa propre vie? C’est la question de toutes les révoltes sociales que pose l’auteur du fragment

Woyzeck, scène après scène, celle de la liberté. On pourrait dire que Büchner introduit la pensée matérialiste en littérature 50 ans avant qu’elle ne soit formulée par Marx et Engels.

Quelle liberté pour « le chien » dont Heiner Müller attendait la réincarnation en loup, dans un texte intitulé « la blessure Woyzeck » prononcé lors de la remise du Prix Büchner en 1985 ?

« WOYZECK est la blessure ouverte. Woyzeck vit là où le chien est enterré, le chien s’appelle Woyzeck. Nous attendons sa résurrection, dans la crainte / l’espoir que le chien revienne en loup. Le loup vient du Sud. S’il fait un avec notre ombre, quand le soleil est au zénith, alors commencera, à l’heure incandescente, l’histoire ». (Traduction Jean-Pierre Morel)

Ils sont nombreux à venir du Sud, les nouveaux Woyzecks échappés d’un train en flammes, nos policiers sont à leurs postes : vont-ils les menacer ? Ou bien l’histoire « à l’heure incandescente » où nos voisins se soulèvent contre leurs tyrans, va-t-elle commencer ? Comment peuvent-ils « ne faire qu’un avec notre ombre » quand le soleil est au-dessus de nos têtes, si ce n’est dans l’étreinte?

Si le fragment Woyzeck constitue un document sur la vie d’un moins que rien à l’aube du printemps des peuples et que « les gens peuvent éventuellement en tirer quelque leçon », ce pourrait être celle-ci.