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Pour rien au monde - Michael Kohlhaas

Création - 10 représentations du 2 au 12 octobre 2024 au Théâtre des Martyrs, Bruxelles

Pour rien au monde - Michael Kohlhaas

Création - 10 représentations du 2 au 12 octobre 2024 au Théâtre des Martyrs, Bruxelles

Pour rien au monde - Michael Kohlhaas

Création - 10 représentations du 2 au 12 octobre 2024 au Théâtre des Martyrs, Bruxelles

Pour rien au monde - Michael Kohlhaas

Création - 10 représentations du 2 au 12 octobre 2024 au Théâtre des Martyrs, Bruxelles

Détester tout le monde

Commande d’écriture à Adeline Rosenstein

© Gilles Destexhe, Province de Liège

Comment calmer sa haine sans se déshonorer ? Comment pardonner les graves erreurs du passé sans les oublier ? Comment accueillir une personne accusée des pires crimes et lui donner une chance de recommencer sa vie ?

Adeline Rosenstein passe la trilogie d’Eschyle à la centrifugeuse pour confronter les adolescents d’aujourd’hui à la question de la légitimité de la vengeance, aux balbutiements de la démocratie. Écrit dans une langue espiègle et rabotée pour Thibaut Wenger et deux complices qui jouent tour à tour les hommes et les dieux, ce tourbillon loufoque et érudit nous entraîne, en trois courts épisodes, dans l’enchaînement des drames d’une famille de vainqueurs qui échappe à sa malédiction.

Prix de la Ministre de la Culture aux Rencontres Jeune public de Huy (Be)

Durée 1h

Jeune (et tout) public dès 13 ans

Mise en scène
Thibaut Wenger

 

Avec
Nina Blanc,
Mathieu Besnard,
Thibaut Wenger

 

Scénographie
Boris Dambly

 

Costumes
Hugo Favier

 

Lumières et sons
Matthieu Ferry, 
Geoffrey Sorgius

 

Chansons
Grégoire Letouvet

 

Production
Premiers actes, compagnie conventionnée par le Ministère de la Culture / DRAC Grand Est ; en association avec Rafistole Théâtre.

 

Coproductions
Le Nouveau Relax — SCIN de Chaumont ; La Montagne Magique, Pierre de Lune et Théâtre Océan nord, Bruxelles.

Gilles Destexhe, Province de Liège
© Gilles Destexhe, Province de Liège

Catherine Makereel, Le Soir

En adaptant l’Orestie et son cycle infernal de crimes et de vengeances, Détester tout le monde nous éclabousse tout rouge. Attention, il est conseillé de réviser les Atrides avant de découvrir cette pièce exigeante qui passe Agamemnon, Oreste, Clytemnestre ou encore Athéna à la moulinette d’un théâtre absurde, d’une écriture gouailleuse et joueuse, d’un jeu speedé et d’une mise en scène outrancière.

À l’image du monologue d’ouverture — hallucinant solo de Thibaut Wenger en soldat qui décrit son taf de guetteur et le vide qui saisit les hommes quand ils n’ont plus de guerre à mener — Détester tout le monde oscille entre la puissance de la tragédie grecque et une distance cynique décapante. Complètement déjantée, la pièce n’en pose pas moins de passionnantes questions sur la démocratie et la citoyenneté. Derrière les jeux de mots improbables, les costumes délirants, les libertés folles prises avec Eschyle, ce sont des questionnements brûlants d’actualité qui surgissent. Face à l’honneur, à la peur, au désir de vengeance, peut-on contre-attaquer avec des idées d’émancipation et de justice? Mais qu’est-ce donc qui nous pousse à Détester tout le monde?

Entretien animé par LAURENT ANCION, journaliste spécialisé dans le domaine des arts de la scène.

« Notre compagnie Premiers Actes, en résidence au Nouveau Relax, scène conventionnée de Chaumont, en France, a reçu pour mission de créer un spectacle léger, facile à transporter, à destination de la jeunesse », explique le metteur en scène Thibaut Wenger, en plein travail au Théâtre Océan Nord. « J’avais d’abord pensé adapter la nouvelle ‘Michael Kohlhaas’ de Heinrich von Kleist, qui aborde la notion de justice de façon particulièrement furieuse. Puis, en discutant avec Adeline Rosenstein, avec qui j’avais déjà travaillé sur l’adaptation partielle de ‘Woyzeck’ de Georg Büchner, nous avons pensé à quelque chose qu’elle fait dans la vie : le soir, elle raconte les grandes histoires à ses enfants, et notamment ‘L’Orestie’ ! Puisque ses deux fils étaient captivés, pourquoi ne pas passer à la vitesse supérieure ? »

Aussitôt dit, aussitôt démarré : Adeline Rosenstein, conteuse de nuit, lance les éléments narratifs dans l’essoreuse pour n’en garder que la trame et les questions essentielles. La langue elle-même est passée à la centrifugeuse : Oreste est rebaptisé ‘Reste. Son ami Pylade devient « P’lade, son pote, bonne pâte », Argos devient ‘Rgos et Delphes, Dolphes. « Adeline a inventé une espèce de langue rabotée, à la fois rapide et engourdie », s’amuse Thibaut. « Et une des spécialités de ‘Reste, ce sont les jeux de mots débiles. Et on peut dire qu’Adeline est vraiment championne en la matière ! ».

On ajoutera encore, pour en juger, qu’Agamemnon, le père d’Oreste, est rebaptisé « Papasympaquandmême, non ? ». Ou encore que la Pythie, oracle un peu effrayant chez Eschyle, devient ici « la Madame Pyhtie, une prêtrasse toute automatisée ».

« Cette adaptation est presque une blague. Tout est vraiment parti du plaisir qu’ont eu mes enfants à écouter des histoires un peu ‘gore’, le soir venu », sourit Adeline Rosenstein.

« À l’arrivée, ce n’est pas un résumé, je dirais plutôt que c’est un détournement. Je pars des éléments narratifs d’Eschyle pour confronter les ados aux questions qui m’obsèdent : la question de la légitimité de la vengeance, les notions d’exil, de persécution, de courage,… Ce sont des éléments qu’on retrouve dans mon « Laboratoire Poison », mais ils concernent évidemment la jeunesse aussi. La question de la fidélité à ses opinions, du tiraillement entre l’honneur et l’envie de pardonner, c’est une dialectique bien connue des cours de récré ! » Et si la paix des plaines de jeux n’était jamais qu’un laboratoire de démocratie ?

Pour sa première incursion dans le jeune public, le metteur en scène Thibaut Wenger a lui-même choisi une forme ludique, un pur terrain de jeu pour trois acteurs.

« Le texte d’Adeline ne se tracasse pas de la façon dont il va pourvoir être mis en scène – et c’est tant mieux », explique-t-il. « Je pense même que cela a beaucoup amusé Adeline de nous lancer le défi de jouer près de 20 personnages à trois acteurs, et de voir comment on allait y survivre ! »

Pour ne pas se noyer sous les flots de mots, Thibaut a choisi de convier le théâtre dans le théâtre. En scène, on découvre un trio de comédiens itinérants, qui ne seront pas avares de leur sueur pour incarner tout ce petit monde peuplé d’hommes et des dieux. « Notre univers dialogue avec celui du ‘Voyage des comédiens’, le film de Theo Angelopoulos : une caravane arrêtée au bord d’un terrain vague, du théâtre pauvre, trois gugusses qui jouent tout le monde. » Les dieux ? Leurs prophéties ou leurs quatre volontés peuvent sortir d’une machine à chewing-gums. On tourne la manette et c’est parti pour un tour de carrousel. « L’écriture me fait presque penser aux Monty Pythons. C’est assez loin de mon monde théâtral habituel ! », rigole le metteur en scène.

Bien sûr, sous ses airs de pantalonnade, méfiez-vous de la farce qui fait mouche ou du gros gore qui tâche : l’ADN de « L’Orestie » et le destin funeste des Atrides coulent bel et bien dans les veines de nos trois troubadours d’un autre genre. « Comme le rappelle la metteure en scène Irène Bonnaud, qui a souvent traduit Eschyle, les tragédies antiques sont elles-mêmes un collage hétéroclite de différents niveaux de langue », reprend

Adeline Rosenstein. « Le français rend rarement justice à ces jeux linguistiques antiques qui mêlent le langage liturgique, le style de différentes régions et de différentes époques. Il faut y voir des oeuvres mobiles et vivantes, pas des antiquités compassées. »

Cette dynamique va comme un gant (de boxe) à Thibaut Wenger, dont les mises en scène adorent ferrailler avec les classiques pour voir ce que nous révèle leur coeur

mystérieux. Avec ‘Reste, il retrouve un personnage tels qu’il les affectionne chez Tchekhov ou Ibsen : des êtres torturés par leur (mauvaise) conscience, confrontés à leurs responsabilités et à leurs désirs. « La mauvaise conscience est très présente chez Eschyle. ‘Reste s’en veut. Et il est un peu lâche », confirme Thibaut. « Par exemple, il aurait volontiers échappé à l’oracle qui exigeait de lui qu’il venge son père. Mais il ne peut pas se débiner : il est coincé entre le monde des hommes, sa volonté, ses envies et différentes générations de dieux qui n’ont d’ailleurs pas tous le même avis. » La solution a tout ce grand chambard ? « Athènes», répond Eschyle, qui en profite pour faire réfléchir la cité à son organisation politique – la démocratie –, tout en lui rendant hommage.

« ‘L’Orestie’, ce n’est pas seulement le cycle de la violence et des représailles », observe Thibaut. « C’est surtout l’histoire des efforts qui visent à mettre un terme à ce cycle. Il ne s’agit pas de confronter les jeunes spectateurs à du gore, mais de leur proposer une question : comment doit-on s’organiser pour mettre fin à la logique de vengeance ? Eschyle en profite pour développer une ironie un peu critique – déjà – sur le fonctionnement démocratique. Adeline s’amuse beaucoup avec cette fin, en proposant toute une série de saynètes qui montrent le casse-tête du changement vers une société basée sur le respect des droits individuels – alors qu’elle vient d’une société totalement militarisée et autoritaire. »

2500 ans plus tard, la ville d’Athènes accordera-t-elle l’asile politique à Oreste ? En le surnommant « ‘Reste », « Détester tout le monde » semble indiquer sa préférence. Et si la démocratie s’invente et s’expérimente sous la plume d’Eschyle, elle a bien de quoi rester au centre de nos préoccupations en 2021.

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28.11.2024 Détester tout le monde Salle Europe Colmar Ticket